Syndicat National des Radios Libres
3 questions à

Patrick Eveno, Président de l'Observatoire de la Déontologie de l'Information


Mardi 2 Décembre 2014 - 17:32

Patrick Eveno est spécialiste de l’histoire des médias. Professeur en histoire contemporaine à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où il dirige le Master « histoire des médias », il enseigne également dans diverses écoles de journalisme. Expert indépendant, il a présidé le pôle « concentration, pluralisme et développement » des États généraux de la presse et participé aux Commissions de réforme des aides à la presse. Depuis 2013, il est président de l’Observatoire de la Déontologie de l’Information (ODI) dont le SNRL est membre fondateur.


Qu'est-ce que l'ODI ? Quels sont ses objectifs ? Qui peut y adhérer ?

Patrick Eveno, Président de l'ODI
Patrick Eveno, Président de l'ODI
Patrick Eveno : L'Observatoire de la Déontologie de l'Information (ODI) n’est pas un conseil de presse, il s'agit d'une association loi 1901 créée en 2012 pour observer et analyser les bonnes et moins bonnes pratiques de tous types de médias d'information. On ne peut le saisir d'une plainte ; il mène une veille générale sur les pratiques des médias et sur le respect des règles éthiques liées aux pratiques du journalisme. Il se réfère aux chartes communément admises par la profession.
 

L’ODI ne cherche pas à stigmatiser telle rédaction, tel journaliste ou telle entreprise, mais à faire progresser la démarche déontologique, qu’il estime au cœur de la crédibilité des médias. L’ODI s’attache aux conséquences des effets systémiques plus qu’aux cas particuliers. C’est pourquoi les cas examinés sont anonymes. L’ODI inscrit son action dans la durée.
 

L’ODI est résolument tripartite, entreprises, journalistes, publics. Nous privilégions les adhésions institutionnelles (syndicats et associations de journalistes, entreprises et fédérations ou syndicats professionnels, associations citoyennes), mais nous acceptons également les adhésions individuelles.


Le rapport 2014, présenté dans le cadre des Assises internationales du journalisme a été plutôt bien accueilli par la profession, quels sont les principaux enseignements à en tirer ?

Patrick Eveno : L'accueil positif du premier rapport, « L’Insécurité de l’information », remis en 2013, nous a encouragés à persévérer. Le deuxième rapport, « L’information sous pressions » a été publié le 17 octobre 2014. Il souligne un certain nombre de points marquants : le durcissement des relations avec les médias, l’effacement des frontières entre vie privée et vie publique, entre information, communication et publicité, le rôle croissant d’Internet et des réseaux sociaux, l’importance de la gestion des relations avec les sources, la prégnance de stéréotypes.
 

Nous avons d'ores et déjà commencé à recenser les cas pour le rapport 2015.


Contrairement à la presse, l'audiovisuel (radio et télé) a l'habitude d'être régulé et parfois corrigé par le CSA sur des notions déontologiques. Un Conseil de presse interviendrait-il en complément ou en substitution de ces missions jusqu'alors assumées par le régulateur ?

Patrick Eveno : Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) s’est arrogé des prérogatives déontologiques qui ne sont pas inscrites dans ses missions initiales, parce qu’il n’existait pas et qu'il n'existe toujours pas, en France, de Conseil de presse ou d'organe équivalent.

L’honnêteté de l’information, qui seule figure dans la loi, ne doit pas entraîner le CSA vers une intrusion dans les rédactions et les informations audiovisuelles. La garantie de pluralisme externe, rendue nécessaire par la limitation du spectre hertzien est une chose. Mais l'intrusion du CSA au sein même de la construction des programmes en est une autre. Le contrôle du temps de parole par exemple, issu d’une recommandation du Conseil constitutionnel, pose d’ailleurs des questions aux rédactions : plusieurs directeurs de l’information se sont réunis en 2012 pour mettre en cause ces règles paralysantes pour la liberté d’expression et l’information des citoyens.

Enfin, le CSA accroît son rôle de régulateur économique du marché de l’audiovisuel, ce qui le place en porte à faux par rapport à la déontologie. Dans de nombreux pays où il existe conjointement un Conseil de presse et un régulateur de l'audiovisuel, les deux institutions travaillent en harmonie : par exemple, le régulateur belge renvoie les questions déontologiques au Conseil de déontologie journalistique. Une piste à suivre pour le CSA ? Nous l'invitons au dialogue.

Pour aller plus loin :

Davantage de renseignements sur l'ODI, son histoire et son fonctionnement sur le site de l'ODI, en cliquant ici.

Retrouvez la position du SNRL relative à la création d'un Conseil de presse en cliquant ici.

Document en libre téléchargement :